Le Nigéria

En route pour le chaos !

Armé de mon gri-gri béninois et toujours accompagné de mon fidèle destrier mécanisé, j’arrive en fin de matinée au poste frontalier.

La douane béninoise tique sur mon visa, en effet mon permis de séjour n’était valable qu’une semaine et il était donc dépassé d’une journée !

Le douanier me fait signe de passer tout de même sans me faire payer quelconque amende !

Je roule quelques mètres et j’entame enfin mes premiers pas au Nigéria, pays si redouté…

Je me remémore encore les messages de découragement de certains « amis » sur Facebook.

Ma première rencontre est celle avec le chef de la douane nigériane. 

Un monsieur d’une quarantaine d’année affublé d’un béret.

Il parle quelques mots de français et m’accueille chaleureusement dans son bureau.

Une discussion dans la langue de Shakespeare s’engage :

  • Qu’avez-vous, vous les Européens à descendre toute l’Afrique ? s’amuse le douanier.

Il me tend son portable et ajoute : « Il y a à peine une semaine un blanc comme toi descendait toute l’Afrique en marchant ! Vous êtes fous, haha »

  • Ce n’est pas faux ! Lui réponds-je, stupéfait d’apprendre que d’autres voyageurs se risquent à traverser le pays ! Qu’en est-il du visa pour le Nigéria ? J’ai ici ma lettre d’invitation et la lettre du Ministère de l’immigration.
  • Well, il y a un problème, notre machine pour imprimer votre visa est en panne, il y a qu’une seule solution c’est de le faire à l’aéroport de Lagos mais je ne peux pas vous laisser partir seul. Il vous faudra donc prendre un de mes agents de l’immigration avec vous sur votre moto… »
  • « Are you serious? Mais il y a au moins 4 heures de route !
  • Vous n’avez pas le choix.

Effectivement, je n’ai pas le choix.

Je rencontre donc l’agent chargé de m’escorter. Par chance, il est maigre et pas très grand. En revanche il est muni de ses bagages…

Mon compagnon d’infortune…

Je le regarde sceptique, mais qu’à cela ne tienne, il leur trouve un minuscule espace entre moi, mes valises et mon pneu de secours et nous voilà partis pour une expédition sur une route digne des films Mad Max !

Le salaire de la peur

Cimetières de centaines de camions, trous dans le béton gorgés d’eau dont on ne connait pas la profondeur, camions-taxis roulant dans un ballet indescriptible pour éviter les obstacles, multiples checkpoints de tous les différents corps de police du Nigéria. 

Heureusement que mon compagnon d’infortune est là pour me donner des conseils : »accélère, ne t’arrête pas au checkpoint, à gauche, à droite, attention au trou ! », j’ai l’impression d’être un des chauffeurs du film Le salaire de la peur

4h30 de calvaire pour arriver à l’aéroport mais l’Himalayan tient bon…

Mon escorteur est sur les rotules, moi aussi. Et lui qui doit encore faire le chemin retour !

Aimable, il me sert de guide dans l’immense aéroport de Lagos où il me présente au responsable de la douane qui m’imprime un visa d’un mois en bonne et due forme.

Nos chemins se séparent et je le remercie chaleureusement pour son aide.

La nuit étant presque tombée je réserve deux nuits d’hôtel dans un lieu proche de l’aéroport.

Je me repose et je peux élaborer sereinement ma feuille de route à travers le Nigéria.

Mon plan de route…

D’après les informations fournies par le gouvernement britannique (celles soumises par la France étant beaucoup moins détaillées), je réalise que la possibilité de traverser le Nigéria en prenant le moins de risque pour ma sécurité est de suivre le couloir Ibadan, Ilorin et de passer à Abuja. Je pourrais ainsi profiter de mon séjour dans la capitale pour faire quelques visas.

Une partie de la frontière sud avec le Cameroun est fermée aux étrangers à cause de la rébellion dans la partie anglophone du Cameroun. Je me retrouve dans l’obligation de passer soit par un petit poste frontière près de Gembu pour rejoindre la ville de Banyo, soit de prendre le bateau reliant Calabar à Douala pour plusieurs centaines de dollars…

Étant précautionneux sur mon budget, je choisis l’option par voie terrestre, conscient qu’elle m’impose de rouler principalement sur de la piste.

A cette période, le climat est encore favorable, la saison des pluies vient à peine de commencer et il me semble alors que c’est la meilleure des solutions…

Lagos By Night

Ma roadmap faite, je me détends une nuit de plus à Lagos et je décide avec un peu d’appréhension d’aller seul dans la fameuse boite de nuit de Lagos l’ »Africa Shine ».

Je ne prends pas ma moto, trop risqué, et je fais appel à un taxi qui me dépose devant la boite. Je lui demande gentiment de m’attendre devant, au cas où je ne me sens pas en sécurité et que je suis contraint de rentrer précipitamment.

A l’entrée de nombreux badauds m’accostent pour vendre quelques drogues douces, je refuse poliment et m’engage dans une boite immense ! Tel un gros hangar, je suis installé à une table et je me commande une bière. Deux jeunes me demandent s’ils peuvent s’installer à la table. Je les invite à boire avec plaisir et nous entamons une conversation.

Je leur raconte mon voyage et le but de ma présence ce soir, écouter de l’afro house.

Malheureusement nous sommes lundi, et les lundis soirs sont consacrés au reggae ! Un des jeunes me raconte qu’Emmanuel Macron serait passé quelques mois avant moi à l’African Shine. Stupéfait, je vois sa photo accrochée à un mur de l’établissement…

L’autre jeune m’annonce qu’il va passer sur scène dans la soirée, j’en profite pour sortir ma caméra et le filmer.

Après avoir passé une soirée mémorable au temple de l’afro jazz africain, je retourne me reposer dans une chambre confortable.

Shit Business is a Real Business

Grand départ le lendemain, l’équipe de l’hôtel me souhaite bonne chance pour mon périple et je pars en direction de ma première étape la ville d’Ilorin.

Je n’ai aucune idée de ce qui m’attend.

Le salaire de la peur…

La sortie de Lagos est un véritable enfer sur terre. Je suis bloqué par un embouteillage énorme et je mets plusieurs heures à m’extraire de la masse de voitures et de camions.

Ecrasé par un soleil au zénith, je décide de m’arrêter dans une boulangerie au bord de route pour reprendre mon souffle. Peinte en gros sur un mur, je lis l’inscription « Shit Business is real Business ».

Ce qui me sauve est un tronçon d’autoroute en travaux. En effet, je vois que les motos et les scooteurs peuvent rouler sur le bas-côté tandis que les voitures et les camions sont bloqués dans les embouteillages.

Lorsque j’arrive finalement à Ibadan, je suis surpris par la ville très jolie et propre. Je fais mon premier arrêt dans un hôtel que j’ai réservé. Le gardien est très gentil, nous discutons ensemble et il me guide dans la ville afin que je puisse acheter une carte sim et trouver un distributeur de billet.

Le personnel de l’hôtel est très agréable et la nuit se passe bien.

Je décide de réserver pour chaque étape si possible un hôtel.

La route pour Ibadan se passe sans accroc, à part l’arrivée dans la ville, 3ème ville du pays en termes d’habitants, où je me retrouve bloqué en plein centre par les embouteillages liés au marché.

Je me pose d’ailleurs la question pourquoi les marchés sont-ils systématiquement installés dans les centres villes !

La nuit dans l’hôtel est toujours impeccable et je suis surpris par le si bon parc hôtelier du Nigéria. Je me dis que c’est forcément lié au tourisme d’affaires…

Ma troisième étape se fait à Bida, ville située dans l’état du Niger (au Nigéria), juste après le fleuve.

Je suis ébloui par le changement de paysage qui ressemble de plus en plus à un désert. Les tenues des habitants changent, ressemblant davantage à des boubous larges et amples. Les hommes sont ornés de coiffes musulmanes.

L’accueil et le regard des habitants me paraissent plus froids malgré la chaleur avoisinant les 40 degrés Celsius.

Le climat devient plus aride…

Direction Abuja

Je passe la nuit dans un petit hôtel trouvé à la dernière minute sur Booking puis je reprends la route le lendemain direction Abuja.

Sur la route, le soleil de plomb et la poussière me rappellent que je suis désormais loin des côtes et plus proche du désert Sahelien. Les villages sont parsemés d’habitations en cases traditionnelles.

Je croise beaucoup de camions dont certains couchés par terre. 

Le contraste est saisissant à mesure que je m’approche de la grouillante Abuja.

Les 2 voies passent à 4 puis 8 voies.

J’ai rendez-vous avec un contact local qui a accepté de m’héberger quelques jours dans la capitale. J’ai l’intention d’y obtenir quelques visas et de faire réviser ma moto.

Dunio est un jeune architecte nigérian, il est un ami de mon contact sur couchsurfing qui a accepté de me faire la lettre d’invitation.

Il habite en périphérie d’Abuja à Kubwa dans un petit appartement qu’il partage avec un colocataire.

En fait, c’est une maison qui est divisée en plusieurs logements.

Il est plutôt bien équipé avec ventilateur, TV et réfrigérateur. Il ne dispose que d’un seul lit qu’il partage avec son colocataire qui travaille de nuit dans un bar. Les coupures d’électricités sont fréquentes dans son quartier à cause des délestages, ce qui nous oblige régulièrement à prendre des douches (bucket shower) avec un petit seau.

Mon hôte est très avenant et sympathique, il me propose une virée à Abuja dans l’après-midi.

Rien de tel que de découvrir cette capitale avec des locaux. Nous partons avec deux de ses amis en voiture, direction le plus grand parc d’Abuja où nous nous promenons sous un beau soleil… Le parc est bondé et pas un seul touriste à l’horizon. Certains jeunes nigérians surpris de voir un blanc me proposent de prendre des photos avec eux ! J’ai l’impression de vivre la vie d’un acteur de cinéma, m’amusant de la situation, je me prête au jeu.

Mes hôtes…

Nous allons ensuite dans un énorme Mall qui m’a l’air aussi fréquenté que le parc. Ça grouille de vie ici et nous n’en ressortons que lorsque la nuit est tombée. Nous partons alors ensemble dans la nuit noire explorer les recoins de la capitale. Beaucoup de choses s’y passent la nuit ; des prédicateurs protestants font des prêches devant une foule de fidèles et proposent de guérir les malades avec des miracles… Finalement nous allons plutôt dans la direction d’un bar pour y prendre un verre. C’est le bar où travaille le coloc de Dunio. Par chance il est animé ce soir et il y a plusieurs artistes qui se produisent en spectacle. Nous arrivons durant une prestation d’une danseuse congolaise qui semble experte en trap, une danse très osée et sensuelle qui ferait rougir toutes les stars occidentales de RnB.

L’artiste suivant est un chanteur fumant un énorme joint en papier, il est juste en slip clair et son visage est peint de peinture blanche. Sa voix rauque chante derrière une bande son funky et il rentre littéralement en transe au fur et à mesure de sa prestation. La musique est rythmée, elle est un mélange de jazz et de afro. Attablé avec mes amis nigérians, ils me racontent que c’est un imitateur de Fela Kuti, célèbre musicien, une figure nationale au Nigéria… un peu comme un certain Bob Marley. Chaque année, des millions de Nigérians se déguisent et imitent Fela Kuti…

Les chaudes nuits Nigérianes

La soirée se termine, nous quittons le bar où j’ai eu le sentiment d’en apprendre plus sur la culture nigériane.

Le lendemain, j’enfourche ma moto pour voir le centre et finir des tâches administratives.

Je tombe sur une mosquée avec un brillant dôme en or. Sa beauté me déconcerte. Quelques kilomètres plus loin, c’est une orgueilleuse cathédrale qui se dresse dans le ciel. Les deux cultes cohabitent à Abuja.

Après avoir obtenu mon visa à la fois pour le Congo Brazza et le Cameroun, je suis une nouvelle fois attristé de dire aurevoir à ces hôtes si chaleureux. C’est le cœur lourd que je me remets en route sachant qu’il est peu probable que je retourne à Abuja un jour…

Adieu les amis…

Le départ vers le Cameroun

D’après les derniers voyageurs traversant aussi l’Afrique et communiquant via What’s App, le timing est encore bon pour prendre la petite route montant vers le poste frontière camerounais.

Je ne sais pas quoi à m’attendre, je relève plusieurs points GPS partagés par les autres aventuriers car là où je vais les routes ne sont pas cartographiées. De plus, certaines routes pourtant bien goudronnées sont réputées dangereuses suite à des kidnappings. Je me rends donc dans la ville de Bali (homonyme amusant avec l’île indonésienne) en évitant la ville de Takum. La route empruntée n’est en réalité pas comme je l’imaginais. Je suis obligé de faire littéralement du hors-piste et de simples kilomètres me prendront parfois des heures !

Le climat sec et aride finit par se transformer en montagne et je vois que je commence à monter en altitude. Il y a des vaches et de nombreux paysans se montrant amicaux. Me voici proche de la frontière Camerounaise dans l’état de Taraba, je traverse des plateaux magnifiques, je suis soufflé par les paysages ressemblant à la Suisse et je n’ai plus l’impression de rouler sur le continent africain.

Cette région est réputée pour être le véritable grenier à nourriture du Nigéria. En effet, je n’ai jamais mangé de plat aussi bon, et le fait de déguster à la main, sans couvert, donne aux aliments une saveur particulière.

Le Nkwobi, un plat à base de pied de boeuf…

Je décide de faire mon avant-dernière étape à Serti, au cœur du Gashaka Natural Park, un camp de transit qui reçoit les voyageurs en proposant des chambres bon marché. Tout de suite après être descendu de ma moto, je suis accueilli par un groupe de jeunes rangers d’une vingtaine d’années en charge de l’étude de la faune et de la flore du parc.

Quelle chance, ils sont vraiment sympathiques et ont à cœur de me partager leur connaissance de la région. Nous passons la soirée ensemble à discuter et le lendemain ils décident de m’accompagner durant quelques kilomètres avec leurs motos. Une fois de plus, nos chemins se séparent et je me retrouve à nouveau seul pour affronter la dernière étape de ma traversée de ce si grand pays !

Si redouté et pourtant si chaleureux, le Nigéria aura été une étonnante découverte et une véritable surprise !

En route pour le Cameroun…

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