La vraie aventure débute !
Lors de mon arrivée, la Mauritanie est pour moi une réelle inconnue, à la fois mystérieuse mais aussi dangereuse sur le plan sécuritaire. Les différents témoignages des Marocains rencontrés sur la route sont unanimes, c’est un pays d’un autre monde, une autre dimension, sans civilisation.
Il me tarde du coup de me faire ma propre opinion, et je choisis de passer ma nuit près du poste frontière marocain de Bir Guendouz à Guerguerat. Après une nuit fraîche et étoilée, je prends mon courage à deux mains et me présente aux douaniers marocains, en arborant un grand sourire. Premier problème… mes papiers sont en ordre mais un des documents de ma moto n’a pas été tamponné à Tanger. Le douanier appelle le port de Tanger pour confirmer que j’y suis bien passé avant d’inspecter la moto et mon sac. Le stress monte pour mon drône caché entre les valises, le policier me questionne « Qu’y a t-il ici ? »
Je signale au douanier que le sac [où est rangé mon drône] contient simplement du matériel informatique et, par miracle, ça passe !
Je remercie chaleureusement le douanier pour son professionnalisme et je franchis tous les bureaux marocains nécessaires afin de quitter le Maroc.
Une route déglinguée avec des centaines de camions se présente à moi, il s’agit du No man’s Land , une zone de non-droit qui n’appartient à personne.
Je roule sur cette route peu engageante en esquivant les camions et les trous puis, d’un coup, la route n’est plus goudronnée : juste de sable, et des centaines de traces laissées dans le sable par les voitures jusqu’à l’arrivée.
Le passage du No Man’s Land

Je mets les gaz lorsqu’un incident éclate entre des Sahraouis et des douaniers marocains. Les Sahraouis décident de bloquer le passage de camions entre le Maroc et la Mauritanie. J’apprends qu’un des camionneurs a été blessé au visage après avoir tenté de forcer le passage – il est dans un piteux état. Je traverse malgré tout la porte du poste frontière mauritanien, ouf ! Sauvé ! Un jeune passeur mauritanien prénommé Lamine, rencontré plus tôt au poste frontière marocain, me propose de m’aider concernant les démarches administratives, en échange d’une commission de 10 euros. Le personnage me parait sympathique et j’accepte. Il m’aide alors pour le visa mauritanien et pour le passavant – un papier qui autorise ma moto à circuler en territoire mauritanien. Première surprise ! Je suis Français mais mon nom de famille est de consonance maghrébine : le prix du passavant est multiplié par 10 (!!) et je suis obligé d’avoir une escorte jusqu’au Sénégal. Raison : beaucoup de Français d’origine africaine organisent de vastes trafics de véhicules volés ou d’occasion pour les revendre en Mauritanie, les Français avec un nom bien européen sont quant à eux libres de circuler pur la modique somme de 12 euros…
Lamine, le jeune passeur me rassure… Il va négocier avec les douaniers mauritaniens pour qu’au moins j’échappe à l’escorte parcontre j’ai quand même payé 120 euros pour circuler avec ma Royal Enfield…
C’est la première fois que je sens une forme de discrimination en Afrique, qui plus est à l’encontre des Africains et des bi-nationaux !
Nouadibou, une ville hors du temps
L’heure tourne, il est désormais trop tard pour que je puisse rejoindre Nouakchott, la capitale. Lamine me propose de m’héberger à Nouadhibou gratuitement : « Tu es mon invité, me lance t-il ! ». Quelle chance !
Arrivé à Nouadhibou, je découvre une deuxième surprise sur la route : le train le plus long du monde, un train interminable mesurant plus de 2,5 km de longueur qui transporte du minerai de fer du nord de la Mauritanie jusqu’au port de Nouadhibou. Il circule lentement et semble démesuré.

Lamine habite une belle maison richement décorée proche de la sortie de Nouadhibou. Nous partageons notre repas ensemble et il me raconte son travail de revendeur de voitures européennes, parfois volées (fraude à l’assurance) ou d’occasion, en Mauritanie. Chacun son business !
Le lendemain je remercie chaleureusement mon hôte pour son aide et me prépare pour 300 km de route dans le désert avec une seule station essence entre Nouadhibou et la capitale. La route est goudronnée mais étroite, beaucoup de sable balaye la route ce qui fait patiner les camions…

Le sable s’infiltre partout, dans l’objectif de mon appareil photo, de ma Go pro et même dans ma mâchoire. Il y un petit bruit de crissement caractéristique entre mes dents à cause des grains de sable à chaque fois que je mastique…
Nouakchott, le chaos urbain

L’arrivée dans la capitale est étrange : les routes sont propres avec des feux de signalisation HS. Au bout de quelques minutes je me rends compte de la complexité du trafic… Les gens roulent n’importe comment, parfois en sens inverse, sans ralentir.
Je comprends vite que il ne faut pas m’attarder dans la capitale si je veux survivre et poursuivre mon voyage. Pourtant, je finis par m’habituer à la conduite sans règles, sans code de la route, et je trouve un hôtel plutôt sympathique où je peux passer la nuit.
Je demande au réceptionniste s’il y a d’autres clients dans l’hôtel et celui-ci me répond qu’un Belge est là depuis trois mois, on l’appelle « le barbu ». Chouette je vais pouvoir partager une bière avec mon voisin de chambre ! Quelle déception lorsque je m’aperçois que sa barbe aussi longue que mon bras. Effectivement, le Belge est en Mauritanie pour étudier les sciences Islamiques… Raté pour la bière !
Après avoir traversé la ville en quête de bijoux en argent mauritanien, j’aperçois ambassade française. Elle est gigantesque, une des plus grande d’Afrique me dit-on… Certaines rues sont même interdites d’accès aux Mauritaniens… vive la Françe à fric !
Le lendemain, je remercie le personnel de l’hôtel et je me mets en quête d’une banque pour tirer quelques Ouguiya la monnaie locale. La distributeur de billets le plus proche n’est pas loin de l’hôtel mais le GPS me fait traverser le marché peul ; chaleur étouffante, marché chaotique, les Peuls sont une classe inférieure en Mauritanie, je plains les gens qui vivent dans cet enfer… La banque n’est plus qu’à quelques mètres. Un virage à droite et j’y suis mais, stupeur, la route se transforme soudain et je roule désormais dans le sable mou façon Paris-Dakar.
Je chute comme une lamentable pierre, me relève et je tente de faire signe à un camion s’approchant dangereusement de ma moto pour qu’il s’arrête. Le conducteur, inattentif à mes appels, roule tranquillement sur l’arrière de ma moto couchée sous mes yeux…
Je m’effondre mentalement « mon voyage est terminé », tout les badauds prennent mon parti, prêt à lyncher le conducteur peul. Un Maure m’aide à relever la moto puis à la garer… Miracle elle est quasiment indemne, la valise en acier a encaissé le choc. Seule la plaque d’immatriculation s’est décrochée. Le Maure me donne des élastiques et raccroche ma plaque. Ouf je peux repartir.
Direction l’Afrique subsaharienne
Ni une, ni deux, je reprends la route pour quitter cet enfer, direction le Sénégal.
La route pour quitter Nouakchott est en travaux, mes ennuis ne sont donc par terminés. 20 km de déviation avec du sable comme unique route, je finis par m’extirper de ce bourbier avec une chaleur sèche mais avoisinant les 40 degrés. Je trouve mon chemin jusqu’au fabuleux parc naturel de Diama. Un magnifique parcours m’attends, entre un lac naturel et des phacochères, pour enfin trouver le poste frontière de Diama à 17h30. Pile une demi-heure avant la fermeture. Le Sénégal ne m’a jamais paru si proche, en cette veille de 25 décembre…

Merci Erwann ! Hâte d’avoir la suite du feuilleton.
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