La Côte d’Ivoire

Un comité d’accueil surprenant

Après avoir franchi la frontière entre le Libéria et la Côte d’Ivoire, une vingtaine de kilomètres de piste à travers la forêt me sépare encore de Danane. Il est déjà 18 heures et le soleil se couche tôt en cette saison. Les petits hameaux deviennent des villes au fur et à mesure de la distance parcourue et de la tombée de l’obscurité.

Parfois les villes sont éclairées par des lampadaires à énergie solaire, je sens que je me rapproche de la civilisation.

A l’entrée de la ville de Danane, je suis intercepté par des gendarmes faisant un contrôle. Leurs premiers mots indiquent que je dois les suivre au poste de gendarmerie le plus proche dans le but de me faire identifier par leurs services… Curieux comité d’accueil me dis-je.

Un des gendarmes m’escorte alors à moto jusqu’à Danane où la nuit noire nous encercle. Je patiente quelques minutes et le commissaire principal me reçoit en me souhaitant la bienvenue en République de Côte d’Ivoire.

Je scrute les affiches de son bureau, tout me rappelle la France : les divisions administratives du pays, les lois, les uniformes… Je suis abasourdi par tant de ressemblances. Le commissaire me prends en photo et je me plis à toutes ces formalités administratives.

Je me rends ensuite dans un hôtel au centre de Danane, et me mets en quête de me substanter. La musique d’un concert dans un restaurant avoisinant ma chambre d’hôtel éveille ma curiosité… C’est du Zouglou, musique très populaire en Côte d’Ivoire, où les paroles racontent une histoire et véhiculent toujours un message. Sur cette douce musique je m’endors pour reprendre mes forces avant de partir le lendemain pour Man « la ville au 18 montagnes » .

L’aventure continue

Mon premier contact avec les routes ivoiriennes est surprenant : les routes sont goudronnées mais des trous béants apparaissent en plein de milieu de la route, ce qui me fruste de nombreuses fois. Au départ, je prends peu à peu confiance en faisant de la vitesse mais je suis rapidement freiné par plusieurs trous qui mettent à rude épreuve la jante de la moto.

Man est une ville de taille moyenne, avec des feux de signalisation (chose que je n’avais pas vue depuis longtemps), entourée de montagnes impressionnantes. Je décide de rester deux jours, afin de découvrir l’endroit davantage. Un jeune jardinier ivoirien rencontré à l’hôtel décide de m’indiquer les lieux touristiques et de s’improviser guide. Nous partons ensemble découvrir une somptueuse cascade dans la jungle ainsi qu’un sanctuaire peuplé de singes sacrés. Cette nature luxuriante me rappelle à quel point en Europe nous sommes déconnectés de la nature.

Nous partons aussi dans son village natal où il me raconte qu’il a tout vendu pour rejoindre le Vieux Continent alors qu’il était auparavant un éleveur de poulets prospère. Son aventure vers l’Europe s’est terminée au Maroc où l’argent qu’il devait dépenser pour un bateau clandestin a été subtilisé par un passeur, une pratique qui est malheureusement courante. Alors qu’il ne possède désormais plus rien,  il reste positif malgré tout et s’en remet à Dieu, tendance que je perçois beaucoup chez les Ivoiriens.

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Les singes sacrés de Man

Après mes deux jours à Man, il est temps pour moi de me diriger vers Abidjan, capitale internationale du Zouglou et du Coupé Décalé…. Heureusement, un ami que j’avais rencontré 5 ans plus tôt lorsque je travaillais au Club Med vit à Abidjan et il est disposé à m’accueillir !

Les effluves cacaotées d’Abidjan

Il habite en plein cœur de la ville et est marié à une femme formidable d’origine libanaise. Ce couple me permet de découvrir Abidjan et me met en contact avec un de leur proche qui habite à Assinie à coté de l’océan.

Abidjan est une ville très moderne, d’innombrables bâtiments de plusieurs étages, plusieurs ponts et des infrastructures témoignent de sa puissance économique.

La vie nocturne y est très agitée, les Ivoiriens aiment faire la fête. Les boites de nuits sont nombreuses et variées entre les ambiances traditionnelles Zouglou, coupé décalé, ou orientales à la libanaise… Il y a donc l’embarras du choix. Mon ami m’emmène passer ma première soirée au « Parker Place » bar reggae très en vogue sur Abidjan.

 

En flânant au bord de la plage, je rencontre plusieurs Ivoiriens qui m’apprennent le désordre que la France a créé lors de la crise politique de 2011. Je me sens parfois honteux de l’ingérence française en Afrique… Laurent Gbagbo, l’ancien président ivoirien, est encore très populaire au sein du pays. Un ami m’apprend que l’armée française à l’époque a pris part au conflit en soutenant son opposant et en envoyant ses hélicoptères de combat bombarder le palais présidentiel…

Ce passage en Côte d’Ivoire me permet de retrouver ma copine qui a prévu de passer une semaine avec moi.  Après l’avoir retrouvée à l’aéroport, nous partons en direction de la capitale officielle et souvent méconnue du pays : Yamoussoukro.

Une capitale hors norme et fantomatique

A l’époque de la décolonisation, Yamoussoukro était le village natal du premier président et père fondateur de la République de Côte d’Ivoire, après l’indépendance : Félix Houphouet Boigny. Cette homme politique avait d’ailleurs été député de la Côte d’Ivoire puis ministre d’Etat français durant la IV République avant la décolonisation. Issu d’une riche famille ayant bâti sa fortune sur l’exploitation du coton, il disposait d’un patrimoine conséquent. Ses réalisations lors de sa présidence en témoignent et sont ubuesques. Après son élection, il a transféré la capitale du pays à Yamoussoukro, qui demeure celle du pays encore aujourd’hui. Fervent catholique, il a érigé en cette ville grandissante la plus grande basilique du monde de nos jours, qui surpasse le Vatican, en collaboration avec un architecte d’origine libanaise. Sa mégalomanie était telle qu’il a été représenté en compagnie des apôtres sur l’un des vitraux ornant ce majestueux édifice.

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La basilique de Yamoussoukro

En sortant de cette visite impressionnante, nous sommes allés visiter sa Fondation pour la paix, vestige de ses longues années au pouvoir. Les matériaux et le mobilier sont toujours d’époque et le lieu reste conforme à sa création.  En dépit de son désir de paix, il a tout de même soutenu la rébellion de Charles Taylor au Libéria provoquant une guerre civile dont les conséquences sont toujours visibles. Cf article La Sierra Leone et le Libéria.  Sa proximité avec le gouvernement français en fait le total opposé à son homologue ghanéen de l’époque qui avait choisi de rompre les liens avec son ancienne puissance coloniale. La  démesure de Félix Houphouet Boigny l’a conduit à construire des lacs artificiels quadrillant la ville et dans lesquels se prélassent des centaines de crocodiles, animal qu’il avait sacralisé. Leur reproduction n’est à ce jour pas maîtrisée et il arrive que certains parviennent à se hisser hors des lacs pour rejoindre les rues.

Le lendemain, sous les conseils d’un ami, nous allons visiter l’Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny. Cette prestigieuse école forme encore les élites africaines et accueille également de nombreux étudiants étrangers d’Europe, d’Asie et des Etats-Unis. Malgré des locaux vieillissants, le campus n’a rien à envier aux universités américaines.

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L’INP-HB de Yamoussoukro

Assinie, un paradis terrestre

De retour à Abidjan, je suis obligé de changer la jante de ma roue avant, qui a été complètement déformée par les nombreux trous des routes ivoiriennes. Je trouve le garage « La Différance » avec un a. Le sympathique propriétaire me propose de remplacer ma roue avant par celle d’un autre modèle de moto : la Honda Transalp. La transplantation se passe à merveille. Je profite de l’attente pendant l’opération pour faire connaissance avec un petit singe orphelin adopté par le patron de l’établissement. Ma moto est désormais fonctionnelle, nous partons pour Assinie, station balnéaire pour touristes et hommes politiques ivoiriens et…français ! En effet, Monsieur Sarkozy et sa famille ont été aperçus de nombreuses fois sur cette plage de sable blanc longue de plus de 20 kilomètres.

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Le motard descend du singe…ou l’inverse !

La plage se trouve de l’autre côté de la lagune mesurant la même distance. Pour s’y rendre nous devons déposer la moto et prendre un petit bateau. J’en profite pour  emprunter la moto chinoise de mon ami et rouler de bout en bout sur le rivage. Cette plage de renommée internationale a abrité un Club Med pendant plusieurs années. Le film « Les Bronzés » y a même été tourné.

 

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Essai d’une moto 125cc chinoise sur la plage d’Assinie

Je quitte cet endroit paradisiaque et retourne une fois encore à Abidjan afin d’obtenir mon visa pour le pays suivant : le Ghana. Confiant, je rencontre devant l’ambassade deux Japonais, également à moto, réalisant un périple allant du pays du soleil levant jusqu’en Afrique du Sud, complètement dépités par le refus qu’ils viennent de subir. Je m’arme de courage et d’un grand sourire en franchissant les portes de l’ambassade. La première réaction de la secrétaire a été un refus catégorique, me prétextant qu’il fallait que je fasse mon visa en France car je n’étais pas résidant en Côte d’Ivoire. Cependant, après quelques explications sur le but de mon voyage, elle révise son jugement et m’installe dans un salon le temps de s’entretenir avec l’ambassadeur du Ghana. Elle revient une heure plus tard pour m’informer que ce dernier a donné une suite favorable à ma requête !

Le visa en poche, je rencontre le club de motard d’Abidjan « Riders » qui me fournit des conseils avisés pour ma traversée du Ghana.

Rabah, un Libanais futur propriétaire d’un magasin Royal Enfield à Abidjan, m’aide à effectuer de dernières réparations (changement de la chaîne, achat de bougies d’allumage) avant le départ.

Sortie moto à Grand-Bassam

Avant mon départ je propose à un motard né au Congo et d’origine Libanaise de partir avec nos fidèles montures ensemble  visiter Grand Bassam, ville côtière à une demi heure d’Abidjan.

La route juxtaposant l’océan est splendide. Nous prenons le déjeuner au bord du lac  proche de la côte puis nous décidons de boire un verre sur la plage. Les Ivoiriens sont chaleureux et nous invitent à partager quelques bières.

 

Après cette escapade et le retour de ma copine au Sénégal, je remercie chaleureusement mes hôtes d’Abidjan et décide de passer mes deux dernières nuits en Côte d’Ivoire sur la plage paradisiaque d’Assinie avant de prendre le route pour ma prochaine destination… Le Ghana.

 

 

 

 

 

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