Lors de mon arrivée à Sao Domingo, je me rends avec mon ami Lamine à la douane afin d’acheter le passe-avant nécessaire pour circuler dans le pays. Mon expérience m’a montré que les contrôles de police en Guinée Bissau sont nombreux. En effet, lorsque je travaillais au Sénégal l’an passé, je m’étais déjà rendu en Guinée pour assister au grand carnaval de Bissau, version africaine du célèbre carnaval de Rio de Janeiro, un moment haut en couleurs.

Premier fait marquant, même si je le savais déjà, les Guinéens sont lusophones. Ils parlent portugais bien que la monnaie reste le Franc CFA. La culture et le mode de vie ne sont pas les même que leur voisin sénégalais. Ici, l’ambiance est encore plus festive. Sao Domingo est la deuxième ville du pays. Nous y sommes hébergés la première nuit dans un hôtel tenu par un Portugais. La nourriture diffère elle aussi, elle est accompagnée de vin rouge portugais. Beaucoup de produits semblent importés de l’ancienne puissance coloniale. Le lendemain matin, je dis au revoir à Lamine et ma chérie qui m’ont accompagnés avant de prendre la direction de Bissau, la capitale.
Bissau, une capitale en ébullition
La route pour Bissau est très peu entretenue. Le goudron n’a pas survécu aux pluies diluviennes de la saison humide, les conducteurs se déplacent à la manière d’un balai incessant dans le but d’éviter les trous parsemant la chaussée, ce qui rend difficile le dépassement. Parfois les automobilistes sont même obligés de conduire sur le bas côté car la route en elle-même est trop accidentée.
Les contrôles policiers sont fréquents, mais étant en règle, je suis toujours accueilli avec des sourires. Par exemple, une policière m’a aimablement proposé de partager son sandwich avec elle. Imaginez-vous une situation identique en Europe ? Personne ne m’a demandé de l’argent, pas de corruption, mais de nombreux encouragements.
Pour arriver à Bissau, je traverse d’innombrables ponts ; les rivières et les fleuves se multiplient. Lors de l’un de mes arrêts, j’ai la chance d’assister à un concert privé de musique traditionnelle jouée par un passant.
L’entrée dans Bissau se fait sans encombre, malgré une chaleur torride, les couleurs des drapeaux de chaque parti politique du pays illuminent la ville.
Je trouve un hôtel tenu par le président du club de moto de Guinée Bissau. Il m’accueille avec gentillesse malgré les dégâts causés dans son établissement par une manifestation estudiantine la veille. Effectivement, il y a des pneus brûlés devant son hôtel car les étudiants bissau-guinéens manifestaient avec fougue contre le coût de la scolarité universitaire. Visiblement, le calme est revenu depuis peu. Le propriétaire de l’hôtel, Yannick, un jeune rasta, parle parfaitement français ce qui me permet de pouvoir être aiguillé car le lendemain je dois me rendre à l’ambassade pour obtenir mon visa pour la Guinée Conakry. Ce dernier m’aura coûté 40 000 Francs CFA pour un mois, et n’aura duré qu’une matinée seulement, efficace !
En route pour la « French Guinea »
Le lendemain matin, je prends congés de mon hôte et décide de partir pour la Guinée Conakry, sous une chaleur écrasante. Ma Royal Enfield avale les kilomètres en dépit de la chaleur et sous les conseils de maps.me je prends la route la plus courte vers la frontière. Au fur et à mesure que j’avance, la route devient plus étroite et le goudron fait place au gravier, puis à la terre battue. Les villes deviennent des villages, et les routes des sentiers. La route principale empruntée par les camions et les voitures est difficilement praticable, je roule donc sur les chemins où circulent les piétons et les vélos. Heureusement, c’est encore la saison sèche.
Alors que je suis désormais en pleine brousse, je tombe sur une poutre faisant office de barrière. En effet, je suis arrivé au poste de frontière Bissau-guinéen. Je m’arrête et demande un tampon de sortie. Deux femmes en tenue me font signe que je peux passer, et que je n’ai pas besoin de tampon. S’en suit une zone de plusieurs kilomètres à travers la forêt jusqu’à ce que j’atteigne le premier poste de frontière de Guinée Conakry. Un homme en uniforme vérifie mon passeport, puis m’ouvre la barrière en m’expliquant que son tampon d’entrée dans le pays est parti en voyage. Il faudra donc que je roule encore plusieurs kilomètres pour trouver le fameux tampon et être régularisé.
Pour rejoindre la ville de Boké, je suis obligé de franchir un fleuve à l’aide d’une sorte de bac : plateforme reliée à une corde. Pour mettre la moto sur le bac, aucun souci. Cependant le bac s’arrête quelques mètres avant le rivage, me forçant à rouler en partie dans la rivière, puis dans la boue.
L’heure tournant, je suis contraint de parcourir encore une grande distance dans la brousse, en traversant une partie dans l’obscurité.
Je trouve enfin le poste de gendarmerie qui tamponne mon passeport. Je suis encore à une quarantaine de kilomètres de ma destination et je n’ai d’autre choix que de poursuivre mon chemin malgré la pénombre pour rejoindre Boké, deuxième ville de Guinée Conakry.
Durant mon périple de nuit, je m’arrête à un poste tenu par des soldats. Ces derniers sont chargés de surveiller une route où transitent toutes les 5 minutes des camions transportant du bauxite, utilisé dans la fabrication de l’aluminium. Cette route est la meilleure du pays mais seuls les camions peuvent l’emprunter. Le soldat m’offre un peu d’eau, et, résolu à ne pas faire de camping sauvage cette nuit je roule encore plusieurs kilomètres jusqu’à Boké.
Arrivée nocturne en pays Baga
Lorsque je coupe enfin le moteur, à 23 heures, ma fatigue me pousse à choisir un hôtel à 60€ la nuit. Hôtel luxueux disposant d’une baignoire, quelle chance ! J’ouvre le robinet, heureux de pouvoir me relaxer un peu, mais à ma grande déception l’eau qui en sort est de couleur marron, dommage.
Le lendemain, quand vient le moment de payer, je suis obligé d’aller retirer au distributeur et fait face à la problématique suivante : la Guinée Conakry utilise sa propre monnaie, le franc guinéen. 1€ correspond à 10 000 francs. Sachant que je dois payer 60€, et que le billet maximum est de 20 000 francs, je dois donc retirer 30 billets. Étant presque millionnaire en franc guinéen, je règle ma note de 600 000 francs.
Après avoir fait resserrer ma chaîne par des mécaniciens locaux et obtenu mon passe-avant à la douane de Boké je me mets en route pour la capitale.
La route de Boké à Conakry est jonchée de ponts. La Guinée Conakry est le berceau de nombreux fleuves africains, l’eau y est très abondante. Les check-points de l’armée et de la police se succèdent, mais étant en règle, ils sont toujours bon-enfant.

Une corniche de plus de 40 kilomètres en territoire Soussou
L’arrivée à Conakry est aussi tardive que la veille. Mon hôte habite au bord de la plage. S’agissant d’une corniche de plus 40 kilomètres, je dois traverser toute la ville de nuit dans un tournant de camions non homologués, c’est à dire très polluants, et de check-points ralentissant la circulation. Petite anecdote, lors d’un contrôle de police, un des policiers ne trouvant rien à redire sur mes papiers et mon équipement, prétexte en soulevant l’arrière de ma moto que je suis en surcharge et que par conséquent je dois m’acquitter d’une amende. Surpris, je parle avec son supérieur et lui explique mon voyage, celui-ci me laisse alors partir en me souhaitant bon courage.
Je retrouve mon hôte Karolina, une Polonaise travaillant pour l’Union Européenne, dans un restaurant chic de Conakry. Mon allure déglinguée avec mon visage noirci par les pots d’échappement me font contraster avec l’ambiance du resto. Mon séjour à Conakry est un véritable bonheur après le calvaire du trajet, Karolina m’accueille avec gentillesse et me présente ses amis et collègues polonais avec qui je découvre la ville. Je visite la grande mosquée qui est l’une des plus grandes d’Afrique, le cimetière Islamo chrétien ainsi que le musée national.
Sur les traces d’Ebola
Après un agréable séjour à Conakry, je prends la direction de la Sierra Leone en me disant que le visa pourra être fait sur place. La frontière étant encore loin, je décide de faire un stop dans la ville de Forécariah où je suis logé dans un hôtel recommandé par Karolina. Le jeune manager de l’hôtel, Emmanuel, m’accueille et me fait découvrir la ville. Nous passons la soirée ensemble à boire de la bière locale dans un bar informel où je rencontre un médecin guinéen qui m’explique son combat contre l’épidémie d’Ebola. Effectivement, avant Ebola, la Guinée était très isolée sur le plan international, car c’est la première colonie française d’Afrique à avoir pris son indépendance. Cette épidémie a permis à ce que des fonds européens soient investis dans le pays. Maintenant qu’elle est terminée, le docteur m’explique qu’il ne reçoit plus d’argent pour faire fonctionner son laboratoire d’analyses. En effet, Katrina m’avait raconté que l’Union européenne tentait malgré la corruption de lancer des projets sanitaires, en vain.
Le lendemain matin, je remercie chaleureusement Emma en prenant quelques photos de son hôtel avec mon drone, qu’il pourra réutiliser pour promouvoir son établissement. Emmanuel me donne le numéro d’un commissaire guinéen travaillant à la frontière. Il me servira par la suite à obtenir le visa pour la Sierra Leone vers laquelle je me mets en chemin.

La route pour m’y rendre est au départ une piste empruntée uniquement par des moto-taxis, puis elle devient un chantier contrôlé par les Chinois qui construisent la nouvelle route. Enfin les derniers kilomètres sont complètement goudronnés et siglés par un drapeau de l’Union européenne.
Le bâtiment du poste de frontière contraste par sa modernité. Je rencontre le commissaire principal guinéen qui m’installe dans son bureau, me propose à manger, et s’occupe de toutes les démarches administratives afin que je puisse entrer en Sierra Leone. Je le remercie chaleureusement pour son aide. Les Guinéens sont décidément très aidants…

Très bel article, on voyage dans les deux Guinées… sacré voyage et tu te sors avec courage et grand calme de toutes les situations, même désagréables ou épuisantes…
Profitez bien de la Namibie, puis cap sur l’Afrique du Sud!
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